Claudine Clabots

Extrait du nouvel ouvrage "Destins de femmes d'exception" 

LE PETIT CYCLONE

A Schaerbeek, en Belgique, naît le 30 novembre 1916 un adorable bébé. C’est une fille, dont on ne pouvait s’imaginer que son nom servirait ensuite pour baptiser une rue de son quartier, mais pourquoi deviendra-t-elle connue ? Qu’a-t-elle fait pour devenir célèbre ?

Son père est directeur d’école et a une réelle admiration pour des êtres généreux comme le père Damien, qui s’est dévoué pour les lépreux à Molokai, pour Gabrielle Petit et Edith Cavell, qui se sont distinguées durant la première guerre mondiale. Dès son plus jeune âge, la petite Andrée entend son père évoquer ces femmes et elle est passionnée par ses récits.

Attirée par le dessin, elle entame des études d’arts décoratifs, en même temps qu’elle suit à la Croix-Rouge de Belgique des cours d’ambulancière. Elle est ensuite engagée à la société Sofina localisée dans les Ardennes belges, comme dessinatrice publicitaire.

Lorsque la deuxième guerre mondiale éclate, elle ressent un appel pressant. Il lui faut à tout prix revenir à Bruxelles afin de travailler pour la Croix-Rouge. On lui demande de soigner des blessés à l’hôpital militaire Reine Elisabeth.

Son père Frédéric, qui la surnomme « Mon petit cyclone » pour décrire le dynamisme de sa fille, vit avec son épouse, surnommée « Mouchette » et une autre fille, Suzanne. Il est engagé dans la Résistance, ce qui va conduire sa cadette à s’illustrer dans le combat contre l’ennemi, qui a envahi la Belgique.

Devenue une belle jeune fille, svelte et gracile mais déterminée, son entourage ne parvient pas à la détourner de son but et elle va se jeter dans la mêlée. Elle bouillonne d’impatience et s’engage également dans la Résistance, comme le dit l’adage « Bon sang ne saurait mentir ». Son but : rassembler quelques pilotes anglais qui ont été parachutés en Belgique ou en France et les guider à travers tous les dangers, par les territoires occupés par les Allemands, jusqu’en Espagne, afin de les aider à rejoindre finalement le général de Gaulle à Londres.

Perfectionniste, elle a d’abord débroussaillé le terrain, en découvrant des chemins de campagne, en notant l’itinéraire et les étapes possibles. Elle s’est aussi assurée qu’à l’arrivée, elle aurait un accueil sûr et des protections. Arnold Deppé devient son complice. Il est technicien radio. Le projet étant finalisé, elle se prépare à cette grande aventure.

Elle est tout d’abord responsable de l’hébergement des soldats anglais évadés. Un premier « voyage » est programmé pour juillet 1941, mais il ne s’agit nullement d’une excursion touristique de tout repos, loin de là. Le début de l’épopée se passe en train. La petite troupe chemine ensuite de nuit, sur des sentiers abrupts et glissants, dans les Pyrénées. Leurs vêtements sont lacérés par les ronces, la fatigue et la faim n’arrangent rien. Il faut parfois se cacher pour éviter les patrouilles ou les contrôles aériens. Cette évasion avait été financée en partie par la vente de bijoux dont Andrée s’est séparée à regret.

Comme elle ne connaît ni le basque ni l’espagnol et qu’elle ne possède aucune carte détaillée, il faut bien payer un guide local et acheter son silence, au risque d’être emprisonnée.

Certaines rivières ou fleuves, comme la Bidassoa, qui forme la frontière entre la France et l’Espagne, doivent être traversés …à la nage car les ponts sont détruits. Les repos diurnes ont lieu dans des remises ou des abris de fortune où les seuls compagnons sont les rats et les puces. En arrivant à Bilbao, tous sont exténués mais heureux : grâce à Andrée, ils ont réussi leur incroyable odyssée.

Elle revient à Bruxelles puis repart avec un nouveau contingent. Après plusieurs voyages, son père est malheureusement victime d’une dénonciation et est obligé de fuir. Sa famille ignore le lieu de sa cachette et est sans nouvelles de lui.

Cette jeune femme fragile en apparence devient la responsable de la ligne qu’on surnomme « Ligne Dédée » ou « réseau Comète ».